Le dilemme : rester ou faire voile au Nord.

Aujourd’hui nous devons faire un choix.

Mettre le cap sur Raivavae, à 300 miles au Nord-Ouest de notre position, et bénéficier ainsi d’un flux de Sud-Est confortable sur les deux prochains jours.

Ce qui veut dire que nous n’aurons pas pu descendre à terre rencontrer les habitants de Rapa Iti et de profiter de cette escale (très) exclusive.

Ou rester. Rester mais s’exposer au passage d’une grosse dépression prévue pour la semaine prochaine, qui risque peut-être de nous placer en délicate posture.

Outre le fait que nous soyons sur un corps-mort (possibilités d’ancrage limitées), les vents violents annoncés viendront de la montagne la plus haute. Ce qui signifie, vue la topographie des lieux, d’une arrivée plus que probable de catabatiques dangereux, levant par la même occasion un clapot inconfortable. Que faire ?

Tout est supposition et estimation, une subtile balance entre nos désirs de découvertes et notre instinct qui nous met en garde…

Avant de prendre une décision définitive, nous aimerions avoir la confirmation que nous pourrons bien débarquer après notre quatorzaine. Car si nous restons, la météo nous empêchera de rejoindre les îles les plus proches pendant au moins les deux prochaines semaines.

Extraordinaire ; le policier au téléphone balaye rapidement notre inquiétude d’un

« … oui oui aucun problème, ne vous inquiétez pas, après votre quatorzaine c’est bon ! Vous porterez juste votre masque pendant une semaine lorsque vous irez à terre, juste au cas où. »

Mais je le sens un peu préoccupé, voir embêté… Et il finit par dire après mes remerciements ;

« … j’ai encore des gens qui veulent vous donner des fruits et légumes… Est-ce que c’est possible si on passe vous voir cet après-midi ?! »

Je reste sans voix ! Certains habitants nous avaient déjà offert deux régimes de bananes et des légumes à profusion lors de notre livraison de carburant hier…

Cet après-midi, Alain et Octave passent nous voir avec une nouvelle manne de trésors biologiques.

Alain ne manquant pas de préciser ;

« -Ici à Rapa, le Grand Conseil a décidé que la communauté devait nourrir toutes les personnes confinées. Nous partons du principe que si les personnes confinées sont aidées et subissent cette quatorzaine dans les meilleures conditions, cela évite d’enfreindre les règles. Donc tous les habitants donnent volontairement quelques fruits, des légumes, du poisson, un peu de viande,… Cela permet de soutenir les personnes isolées. Goûtez les pêches, les dernières de la saison… Courage, plus que trois jours ! »

La règle ici est simple. Pour le nouvel arrivant, d’où qu’il vienne, c’est 14 jours de confinement strict obligatoire. Et lorsqu’il termine la quatorzaine, la semaine qui suit, toute la communauté doit porter le masque. Après cette semaine tampon, si aucun symptôme ne s’est déclaré, tout le monde vit une vie normale. Sans masques ni gestes barrières, même dans les lieux publics.

(A ce jour, Rapa est quasiment la seule île de Polynésie sans cas de Covid.)

On a vraiment hâte de découvrir cette communauté hors du commun, sur cette île peu commune !

« Bon, ma chérie… On reste ?! »

« On reste ! »